Votre chroniqueur tient à préciser que le meilleur moyen de savoir ce que le conférencier, l'histoirien Olivier Fatio, a vraiment dit lors de sa présentation est d'acquérir en librairie la réédition qui vient de paraître de l'excellent ouvrage que ce dernier a publié en 2002 en collaboration avec Béatrice Nicollier.
Ce point étant réglé, le doute n'est pas permis: pour chaque Genevois, le 12 décembre éveille autant de ferveur patriotique que le 1er août. Deux raisons à cela: d'une part, ceux que nous considérons (d'ailleurs souvent à tort) comme nos ancêtres ont vaincu les Savoyards (en réalité presque tous des mercenaires espagnols) qui voulaient "violer notre réduit", préservant ainsi notre chère indépendance. D'autre part, il y a bien sûr les marmites en chocolat de notre enfance, qui n'ont pas d'équivalent fédéral. La reconnaissance du ventre vient ainsi renforcer dans nos mémoires notre sentiment d'appartenance.
Mais rares sont les Genevois qui ont une idée du contexte géopolitique dans lequel se situait leur cité à l'époque de l'Escalade. Genève était alors une ville relativement importante et prospère qui se trouvait au coeur de luttes d'influences la dépassant largement. La Maison de Savoie la considérait comme son bien légitime, même si elle en avait été chassée depuis que les prince-évêques (généralement issus de cette Maison) n'y étaient plus les bienvenus. Genève, jadis ville d'empire dotée de certains privilèges et devenue république, n'avait nulle envie de perdre son indépendance. La France, sa voisine, voyait cela d'un bon oeil, même si Genève était devenue protestante au 16e siècle. Elle la considérait comme un atout contre l'Espagne de Charles-Quint. C'est d'ailleurs vers dernier puis son fils Philippe II que s'étaient tournés les Ducs de Savoie pour les aider dans la reconquête partielle de leurs territoires, qui s'étaient jadis étendus des deux côtés des Alpes, de Nice à Romont, mais dont la France et Berne, puissance régionale non négligeable à cette époque, les avaient en grande partie privés.
Le grand mérite des Genevois d'alors a été de jouer ces puissances les unes contre les autres pour conserver leurs privilèges et garder encore longtemps pour leur cité son statut de république indépendante certes dépourvue de tout arrière-pays mais capable de rayonner bien au-delà de ses frontières grâce, notamment, à ses convictions spirituelles.
Michel Dérobert