De l'Arménie historique à l'Arménie rêvée

lunedì 4 febbraio 2019 12:15-14:00, Hôtel Royal
Relatore/i: Harry Koumrouyan

L’Arménie est un pays très ancien. Ou plutôt, il faudrait dire que les Arméniens sont un peuple très ancien, qui s’est progressivement implanté dans un arc de cercle géographique enclavé entre trois grands empires : la Russie, l’Empire ottoman et la Perse. 

Deux dates restent dans la mémoire collective arménienne : 301 et 405 après J.C. La première parce qu’elle marque le début de la reconnaissance de la religion chrétienne par le royaume d’alors, ce qui fait de l’église arménienne – avant Rome – la plus ancienne église chrétienne officiellement reconnue par un Etat. La seconde parce qu’elle marque l’adoption d’un alphabet spécifique à la langue arménienne. Ainsi, ce peuple se caractérise par la religion, la langue et l’alphabet. Un autre trait caractéristique des Arméniens est le sens du commerce. Ce talent les a amenés à voyager au loin depuis très longtemps. Leur présence ancienne est par exemple attestée dans des villes telles que Madras ou Singapour. 

Enfin, on ne saurait mentionner le peuple arménien sans évoquer la catastrophe qui s’est abattue sur lui, en Turquie, le 24 avril 1915. Ce massacre avait les caractéristiques d’un génocide avant la lettre (ce terme n’existant pas à l’époque), même si la Turquie se refuse encore, pour diverses raisons, de le reconnaître. Il avait d’ailleurs été précédé d’autres pogroms dès la fin du XIXe siècle, une évolution sans doute liée au recul de l’Empire ottoman. Quoi qu’il en soit, ces événements tragiques ont suscité un exode massif et fait naître une diaspora arménienne, très présente en Russie (voisine du petit pays appelé Arménie et dont la capitale est Yerevan), en France (en particulier à Marseille, où ont accosté de nombreux bateaux transportant des réfugiés) et aux Etats-Unis (notamment à Los Angeles). En Suisse aussi, de nombreuses familles arméniennes ont trouvé refuge et « une sorte de paradis ». Ce fut le cas de la famille d’Harry Koumrouyan. 

La question à laquelle l’orateur s’est trouvé confronté à titre personnelle est la suivante : « Que faire avec une telle histoire ? » Il y a répondu par l’écriture, en rédigeant des nouvelles, puis deux romans publiés aux Editions de l’Aire: « Un si dangereux silence » (2016) suivi de « La Princesse des Indes » (2018). Son propos n’a pas été de réécrire l’histoire avec un grand « H ». D'autres l'avaient déjà fait. Ne disposant pas d’archives familiales, toutes détruites à l'époque, et n’ayant découvert que sur le tard l’Arménie d’aujourd’hui, il a préféré se mettre dans la peau de personnages actuels dont le passé familial est marqué par les événements évoqués plus haut. Des histoires où, pour reprendre les termes de leur auteur, « rien n’est vrai mais tout est à peu près vraisemblable ». 

Michel Dérobert